Hier, Academia a appris que des amendements de suppression de l’amendement de suppression du Hcéres avaient été déposés. Le monde de l’ESR est en ébullition, à la veille du vote de la loi de simplification de al vie économique, le 8 mars. Selon Le Monde daté du 7 mars, Hendrik Davi (groupe Écologiste et Social) a déposé un amendement de suppression du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), amendement qui a été adopté en commission spéciale le 24 mars, contre une évaluation jugée «normative et idéologique [qui] vise à introduire des logiques de gestion néolibérale dans les administrations publiques».
Au passage, le député a souligné l’économie budgétaire qui serait réalisée : 21,8 millions d’euros de subvention publique (pour un budget d’environ 24 millions). Avec des arguments similaires, un collectif, RogueESR, critique des réformes du secteur depuis 2017, a lancé contre l’Hcéres une pétition qui a recueilli 3 800 signatures. Il accuse l’agence de « réduire l’autonomie et les libertés académiques » et souhaite « reprendre la main sur [ses] métiers et [se] débarrasser de ce qui les empêche ». La Droite républicaine a, de son côté, déposé un amendement annulant la suppression du Hcéres pour la discussion en séance le 8 avril.
Un lobby efficace
Le lobby Hcéres a ainsi encore frappé : non seulement alors qu’on s’approche du vote du budget, Coralie Chevallier, présidente toute neuve menacée de perdre son fauteuil confortable, s’est fendue d’un entretien lénifiant sur les dangers politiques que pose le Hcéres, tout en arguant — sans honte — que si on supprimait le Hcéres, “on entrerait dans une logique illibérale. (…) Il y a deux chemins possibles, soit l’évaluation est confiée à une agence indépendante, soit elle est dans les mains du pouvoir exécutif” et, quelques lignes plus loins “que, jusqu’à présent, les avis du Hcéres sur les formations se rapprochaient trop de la décision du ministère. Qui doit décider, sur la base de l’évaluation, si une formation est accréditée ou non, ouverte ou fermée ?”. Le lobbyste a fait adopter plusieurs amendements de suppression de l’amendement de suppression, n°1114, 691, 1965, 513, 1096, 688 et 54. Dont un amendement du Parti socialiste — à l’encontre étonnante de la position du Nouveau front populaire qui avait fait voter l’amendement de suppression en commission.
La lutte paie
Aussitôt, les agent·es engagé·es de l’ESR ont alerté leur député, en trouvant ses ou leurs coordonnées sur le VoxPublic, ont alerté les député·es du Parti socialiste. Des dizaines (centaines) de courriels sont partis en quelques heures, doublés d’interpellation sur les réseaux sociaux.
Lettre d’un maître de conférencesMadame la députée, Je viens de prendre connaissance de l’amendement n° 1026 au projet de loi portant simplification de la vie économique que vous avez signé avec vos collègues du groupe socialiste qui vient conforter l’amendement du gouvernement n° 1965 pour rétablir le HCERES. En tant qu’enseignant-chercheur, je me permets de vous dire à quel point le HCERES est un dispositif bureaucratique sans apport qualitatif sur l’offre de formation du supérieur public et de la recherche. À Montpellier nous sommes en plein dans la « vague A » en cours d’évaluation et nous passons des heures en réunion et chez nous à remplir des tableaux Excel dont la présidente du HCERES elle-même reconnaît qu’ils ne servent à rien. Confrontée aux critiques de toute la communauté scientifique, la présidente du HCERES propose maintenant de renoncer à l’évaluation des formations au profit de « recommandations » sur un panel tiré au sort. Pourquoi rétablir une institution qui coûte près de 15M€ et 130 emplois à l’année quand les universités manquent de tout, une institution qui reconnaît elle-même sa vacuité et empoisonne la vie des chercheurs ? Jamais je n’ai connu un tel mépris pour le travail des scientifiques. Pire encore, et contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de l’amendement que vous signez, le HCERES est un danger pour la visibilité internationale des formations. La cour des comptes dans son récent rapport sur l’internationalisation de l’enseignement supérieur propose de s’appuyer sur les avis du HCERES pour fermer des formations internationales qui ne seraient pas conformes aux priorités du gouvernement ( recommandation n°2, p.20, https://www.ccomptes.fr/fr/documents/74235 ). Avec le triste exemple de la situation des universités américaines, imaginez ce que le rétablissement du HCERES pourrait avoir comme conséquences sur l’attractivité internationale future des universités françaises si cette institution a droit de vie ou de mort sur les formations en fonction des orientations idéologiques d’un gouvernement. Ainsi j’espère que vous pourrez renoncer à cet amendement et convaincre vos camarades du groupe socialiste de le retirer. |
En milieu de matinée, Boris Vallaud informait plusieurs interlocuteur·ices que le groupe retirait l’amendement de son parti. La lutte a payé.
… mais elle n’est pas finie
Il faut désormais inviter l’ensemble des groupes du NFP à aller voter en masse contre les amendements de suppression.
- Pour alerter votre député·e, ou le groupe NFP et convaincre de voter: trouver leurs coordonnées sur le VoxPublic.
- Pour signer la pétition de RogueESR “Supprimons le Hcéres“

Manifestation, Paris, 15 juin 2024. Tous droits réservés
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
L'équipe de rédaction d'Academia (8 avril 2025). Suppression du Hcéres : la lutte paie, mais la lutte n’est pas finie ! Academia. Consulté le 23 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13pnj