Over his dead body 2. L’Université de Haute-Alsace face à ses responsabilités

Over his dead body. 1. Le choc et les silences

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité
et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Art. L.4121-1, Code du travail

Il y a quelque chose d’odieux à commenter un suicide, tragédie personnelle, familiale, tandis que, justement, la famille du mort tente de faire sens de la tragédie, et se débat avec le tumulte — émotionnel, financier — que cause cet arrachement brutal.

Le suicide d’Alexandre Heck, directeur du numérique à l’université de Haute-Alsace (UHA), a été commenté ici, par un billet. On y relatait l’insistance de la présidence de l’UHA à considérer ce suicide comme une décision personnelle qui ne saurait renvoyer à des conditions de travail difficiles. A contrario, les syndicats (personnels et étudiant·es) ne cessaient d’insister sur le lien entre la mort du chef de service et son travail.

Un article de L’Alsace, paru le 24 mars 2025 apporte des éclaircissements que l’on ne peut supposer être partisans. On apprend ainsi que :

Alexandre Heck éprouvait du mal-être au travail et avait consulté les syndicats. « Il m’avait dit que son travail n’avait plus de sens. Pourtant, il n’était pas homme à se plaindre. » Le vendredi 14, il embauche à 8 heures et repart une heure plus tard. Il aurait consulté la médecine du travail peu après pour un arrêt. Mais il met fin à ses jours dans la nuit du 16 au 17.

Ces évènements amènent à penser, à tout le moins, un lien entre le geste et le travail, et semblent justifier la tenue en urgence de la commission F3SCT, refusée par le Président, demandée à nouveau en CA le 24 mars. L’Alsace ajoute :

« S’il était à ce poste, c’est parce que son prédécesseur a fait un burn-out », étoffe un responsable syndical. Un de ses proches collègues ajoute que « normalement, il y a trois directeurs au numérique. Alexandre, il était seul ». Suite à cette fin de non-recevoir, les syndicats affirment avoir fait l’objet de « coups de pression » : « Nous avons été “convoqués” par le directeur général des services ». L’université, elle, évoque « une simple invitation à échanger ».

Communiqué du 24 mars 2025

Le dernier billet proposait une mise à jour : le CA avait voté le principe d’une enquête externe. L’Alsace précise :

Les représentants du personnel ont élaboré une motion, présentée au conseil d’administration ce 24 mars, qui demandait l’ouverture d’une enquête externe. Elle évoquait entre autres « un mal-être collectif qui ne cesse de s’aggraver ». Ce texte de deux pages a été réduit à deux lignes, celles qui chargent « le recteur de la Région académique de diligenter un audit par un organisme externe ». À trois absentions près, le texte, édulcoré, fait l’unanimité.

L’article se conclut par la joie de voir un dialogue « constructif » se mettre en place.

Communiqué du 24 mars 2025

Un mail envoyé au personnel de l’UHA par l’intesyndicale insiste quant à lui sur l’urgence d’une réunion F3SCT. Elle reprend les termes de la motion votée :

« suite au décès d’un directeur de service, le CA de l’UHA réuni ce jour 24 mars 2025 demande au recteur de la Région Académique de diligenter au plus vite un audit par un organisme externe et indépendant à l’Université sur la situation générale de l’UHA et notamment les conditions de travail. Les résultats devront être communiqués au CA ».

De son côté, sur les réseaux sociaux, la communauté solidaires de l’Est, syndicat étudiant, indique ce qui a été « édulcoré » de la motion : « la mention de problèmes structurels à l’UHA et leurs historiques et conséquences passées, alertes multiples prononcées par les personnels ont été effacés ».

Après tout il n’y a pas mort d’homme, sans doute. Enfin, si.


Pour aller plus loin

  • Suicide d’un chef de service : une enquête externe demandée, par Amjad Allouchi, L’Alsace, 24 mars 2025. Le suicide d’un chef de service le 17 mars dernier a secoué toute l’université de Haute-Alsace. Après une semaine sans une once de dialogue entre les syndicats et la présidence, une motion a été votée en conseil d’administration demandant une enquête externe. Le texte a néanmoins été privé d’une partie de substance.

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
L'équipe de rédaction d'Academia (26 mars 2025). Over his dead body 2. L’Université de Haute-Alsace face à ses responsabilités. Academia. Consulté le 23 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13kx3


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