Quand l’ENS de Lyon se met au vert… kaki !

Comment l’industrie de l’armement et l’armée investissent et infiltrent tranquillement les milieux universitaires « à l’insu de leur plein gré »

Une nouvelle association étudiante (créé en sept 2024) « Géopo’Litiges » a vu le jour à l’ENS de Lyon. Elle organise depuis quelques temps des conférences sur des sujets de « relations internationales, de stratégie et de défense » en invitant des « experts ». Or, comme le révèle son organigramme, cette association est liée aux milieux aristocratiques et au monde militaire, notamment via l’IHEDN, un institut placé directement sous la tutelle de l’armée et dont une des missions est de « renforcer l’esprit de défense » au sein de la jeunesse et à l’université. Le plus gros financeur de IHEDN est la société MBDA (industrie de missiles et de systèmes de missiles).

Cela pose question quant à l’indépendance de l’association « Géopo’Litiges » et à ses objectifs réels sous couvert de « débats géopolitiques », surtout dans le contexte actuel. Les conférences qu’elle organise peuvent-elles satisfaire aux exigences d’esprit critique et d’objectivité scientifique que l’on est en droit d’attendre au sein du milieu universitaire ? Ainsi, pour sa prochaine conférence, l’association met fièrement en avant la présence de représentant·es de la DGSE – DGSI. On peut dès lors affirmer avec certitude qu’aucun·e intervenant·e ne parlera du rôle tout sauf « défensif » que joue la DGSE dans les réseaux de la Françafrique, en soutien à des dictatures ou à des multinationales françaises. Personne non plus ne rappellera le rôle de la DGSI dans l’espionnage de syndicalistes, de journalistes ou de militant·es écologistes pour le compte de l’État ou d’intérêts privés (voir par exemple l’affaire Squarcini actuellement devant les tribunaux).

La CGT et le syndicat étudiant Écharde s’étonnent de voir que l’association « Géopo’Litiges » remercie l’ENS de Lyon « de son soutien indéfectible ». L’ENS a-t-elle vocation à soutenir une telle association ? En quoi consiste ce soutien ?  Gratuité de l’amphi Mérieux (prix de la location entre 1900€ et 3800€) ? Qui assure le financement des prestations obligatoires de sécurité, de ménage et de vidéo pour de tels évènements ? L’ENS avec de l’argent public ?

La CGT et Écharde tiennent également à dénoncer un partenariat à l’ENS de Lyon avec l’entreprise d’armement Thales, partenariat pour un produit « unique au monde ». Ce partenariat est particulièrement choquant alors qu’une enquête publiée par l’ONG Disclose révèle que des équipements fournis par Thales sont impliqués dans le bombardement de civils à Gaza. Notons également que le cours boursier de Thales et ses bénéfices ont explosé grâce à la guerre en Ukraine et au réarmement massif (action +76% depuis le 1er janvier 2025).

Les universités sont actuellement en grande difficulté financière en raison du désengagement chronique de l’état qui préfère enrichir les marchands d’armes plutôt que de parier sur une jeunesse éclairée. Nous serons d’autant plus vigilants quant aux partenariats que l’ENS serait tentée de signer et dénoncera tout manquement à ses obligations éthiques.

Enfin et plus généralement, la CGT et Écharde appellent les étudiant.es et les personnels de l’école à s’opposer au militarisme débridé et à ne pas se laisser abuser par les mots d’ordre de « défense nationale » et d’« Europe de la défense » qui bien souvent n’ont rien à voir avec la défense de la population mais recouvrent plutôt la défense d’intérêts sonnants et trébuchants.

Le contexte est suffisamment inquiétant pour que nous nous exprimions sur ce sujet.

La CGT reste fidèle à ses valeurs de solidarité internationale et de paix entre tous les travailleuses et travailleurs, seules à même de lutter contre l’impérialisme, les guerres, les ravages sociaux et climatiques et la montée des idées nationalistes et réactionnaires.

Nous ne participerons pas à l’instrumentalisation, à l’intégration des organisations syndicales de salarié·es dans une « économie de guerre », synonyme de renoncement et d’abandon des revendications des travailleuses et travailleurs.

La CGT et le syndicat étudiant Écharde refusent que l’école soit un lieu d’embrigadement de la jeunesse plutôt qu’un lieu émancipateur de la jeunesse. Nous refusons que l’argent public universitaire serve directement ou indirectement des intérêts liés à l’armée et à l’armement.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
L'équipe de rédaction d'Academia (11 mars 2025). Quand l’ENS de Lyon se met au vert… kaki ! Academia. Consulté le 9 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13g5u


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