Les IA génératives ou la pensée en bouillie

Deux billets d’humeurs piquants au sujet des IA génératives écrits par des universitaires nord-américains ont été publiés ces derniers jours.

Le premier, par le philosophe et poète Troy Jollmore, intitulé “Autrefois, mon métier était d’enseigner à des étudiant.e.s. A présent, je suis un dépisteur de triche ChatGPT”, sur The Walrus.

On y lit notamment l’extrait suivant, à propos de l’anti-intellectualisme nord-américain :

« La meilleure façon de faire comprendre aux gens pourquoi l’instruction compte, c’est de les instruire ; on ne peut pas vraiment saisir cette valeur depuis une position d’extériorité. Il y a toujours des étudiant.e.s qui se montrent volontaires mais qui ressentent une résistance face à toute aide apportée pour leur apprentissage. Ils et elles ont besoin, jusqu’à un certain point, qu’on les tire. Mais lorsqu’ils et elles sont pris.es dans le processus du travail à faire pour rendre des devoirs, certain.e.s d’entre elleux commencent à le sentir. Ils et elles commencent à saisir que bien penser, de façon informée, est vraiment différent d’une pensée pauvre et depuis une position ignorante. Ce moment, où vous commencez à comprendre la puissance d’une pensée claire, est crucial. Le problème avec les IA génératives, c’est qu’elles court-circuitent intégralement ce processus. […]

Les étudiant.e.s qui sautent cette étape, qui utilisent l’IA pour éviter d’absorber ou même d’être exposé.e.s à ces idées s’entravent eux-mêmes et elles-mêmes. Ce faisant, ils et elles risquent de faire du mal, pas seulement à elleux-mêmes, mais aussi à des futur.e.s patient.e.s, client.e.s, collègues – n’importe qui, vraiment, qui pourrait être affecté par leurs actes malavisés et leurs décisions non informées. »

Le second, publié par Mike Caulfield, publié sur son substack, intitulé “La bouillie de l’AI n’est pas seulement fausse, elle est mortellement ennuyeuse”.

Il raconte travailler sur un projet, dans le cadre duquel il est tombé sur cette photo :
Elle est censée représenter les frères Abernathy, un duo d’enfants connus pour avoir traversé seuls les États-Unis au début du 20ème siècle. En 1910, âgés de 10 et 6 ans, ils ont notamment fait le trajet depuis l’Oklahoma jusqu’à New York à cheval pour rencontrer Roosevelt. Ici, il s’agit bien sûr d’une image générée par IA, une bouillie inintéressante, lisse, mais qui accompagne souvent l’histoire des deux frères sur les réseaux sociaux. Mais Caulfield voulait être sûr qu’il s’agissait bien d’une image non originale ; il a donc cherché dans les archives. Et voici une photographie authentique qu’il a trouvée en accès libre sur le site de la librairie du Congrès :

Il commente :

« Honnêtement, c’est la photo la plus cool que j’ai vue ce mois-ci. Chaque partie est riche de sens et fait écho à d’autres choses.
Qu’est-ce qu’on est en train de faire ?
Pourquoi est-ce qu’on boit l’histoire avec une paille ?
Je n’ai plus les mots. »


Sur Academia


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
L'équipe de rédaction d'Academia (7 mars 2025). Les IA génératives ou la pensée en bouillie. Academia. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13fox


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