Assez joué. Rendez-vous à 12h15 ce mardi 18 mars, àà l’angle bd Bonne Nouvelle/ rue Poissonnière
Il est temps de siffler la fin de la partie. Les évaluations négatives du HCÉRES sur les licences et masters des Établissements de la vague E ont suscité stupeur, colère et très vive inquiétude dans la communauté. Comme l’a très bien expliqué Stéphane Bonnéry, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris VIII, il s’agit ni plus ni moins d’une « attaque politique contre l’université de masse ».

Manifestation rue Poissonnière devant le Hcéres, 18 mars 2025. Crédit : Xavier Molénat
Le « Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur » – un nom à rallonge pour masquer le vide intersidéral de ses rapports – s’érige dorénavant en grand inquisiteur des universités et des laboratoires. Sa mission ? Évaluer. Mais attention, on ne parle plus depuis belle lurette d’une évaluation constructive par des pair·es compétent·es. Non. On parle à présent de véritables tontons macoute de l’évaluation, ces évaluateurs panélistes dûment formatés à la novlangue managériale, à la numerasse kafkaïenne, aux tableaux Excel absurdes, dressés par les adjudants-chefs du HCERES à pondre au kilomètre des pamphlets punitifs. Même la Cour des comptes ne s’y trompe plus, qui qualifie le Haut Conseil de“machine bureaucratique qui fait trop d’évaluations” : le Hcéres ne sert à rien.
Les récents retours de la vague E le montrent : les critères d’évaluation du HCERES pour les formations sont largement biaisés. L’institution rend des jugements tendancieux et préconçus en se basant sur des indicateurs froids et décontextualisés tels que les taux d’échec, les taux d’insertion professionnelle et la mobilité internationale des étudiants. Ces critères ignorent totalement le profil social des étudiants et les réalités socio-économiques des universités concernées. Des critères déconnectés de la réalité, des grilles d’évaluation rigides et uniformisantes, et surtout, une passion dévorante pour les buzzwords du moment, les acronymes fumeux et les sigles creux.

Conclusion d’un rapport d’évaluation Hcéres, 2025
Tout ceci découle de l’héritage laissé par Thierry Coulhon — dont le fils Raphaël, un temps au secrétariat de la présidence de la République, est désormais conseiller de l’enseignement supérieur, de l’innovation, du numérique et du jeu vidéo — auprès du ministre de la Culture —et de sa triste bande de bureaucrates désœuvrés qui ont été à la manœuvre, ces dernières années, pour instaurer ces processus délirants. Rappelons-nous au passage du fameux triptyque programmatif « indépendance, simplification, intégrité » qui devait marquer le mandat de « l’évaluateur-en-chef de l’ESR » (sic). On en rit encore et il n’y a plus besoin de développer aujourd’hui la fumisterie de la sacro-sainte « indépendance » de la boutique, le fiasco de la simplification des procédures et le ripolinage de l’intégrité scientifique. Du mandat précédent, il ne reste rien en dehors de ce delirium bureaucrationis…. et des recrutements très politiques qui truffent l’organigramme de la maison (tient, pour info, la petite dernière, la ChefCab de la présidence est cadre du parti Horizons… une tradition pour cette « autorité administrative indépendante », elle sera en bonne compagnie au côté des anciens d’En Marche, des sympathisants de l’Action Française ou des Jeunes avec Macron).
En voulant disséquer, à l’aune de critères néolibéraux, des pans entiers de l’ESR, les thuriféraires de la scientométrie du HCERES n’auront pas seulement saccagé l’évaluation des formations. Côté recherche, c’est du pareil au même. Depuis la transformation de l’agence en (sani)broyeur industriel, l’évaluation des laboratoires se résume à la production continue d’une bouillie bureaucratique totalement vide de sens. Des montagnes de rapports insipides sont rédigées, remplies de jargon creux et de statistiques sans âme, dans le but exclusif de cocher des cases et satisfaire des indicateurs absurdes. Ce processus ne contribue en rien à améliorer la qualité des travaux scientifiques ou à encourager l’innovation. Il ne fait que gaspiller le temps et l’énergie des chercheurs et dévoyer l’essence même de la recherche académique.
Quant à « l’évaluation intégrée » des établissements, la grande œuvre de l’ancien conseiller ESR d’Emmanuel Macron, elle n’est qu’une gigantesque farce qui a fait prématurément naufrage dès les premières tentatives «d’unification » des évaluations. Que dire ainsi du dernier rapport d’évaluation du Collège de France ? Il résume à lui seul tout l’héritage des Coulhon, Glaudes ou autre Larrouturou, ces inamovibles ronds-de-cuir dévalués de l’ESR. Un chef-d’œuvre de bureaucratie abracadabrantesque où le mot “stratégie” est employé avec une telle frénésie qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’une incantation magique, d’un mantra destiné à conjurer les esprits du bon sens. “Absence de stratégie globale”, “construction d’une stratégie de recherche”, “optimisation stratégique des services”… On croirait lire le powerpoint d’un consultant mckinséen en mal de facturation. Le Collège de France, institution prestigieuse de cinq siècles d’existence, est houspillé pour ne pas avoir une “stratégie de valorisation patrimoniale” digne de ce nom. Gageons que le prochaine fois, répondant aux ordres de la nouvelle présidente du Hcéres et de ses « nudges », les clowns de la rue Poissonnière (la nouvelle adresse de la boutique depuis fin janvier 2025) intimeront l’ordre au Collège de France d’avoir une “stratégie de la stratégie” ! Pendant ce temps, les chercheurs et les chercheuses s’épuisent à justifier le moindre de leurs gestes, à courir après des indicateurs absurdes, pendant que le vrai questionnement scientifique, les débats de fond et les projets scientifiques, jadis au cœur des évaluations des unités de recherche, sont définitivement laissées de côté par le HCERES.
—19 rue Poissonnière, nouveau siège du HCERES depuis début 2025. La bureaucratie ne néglige pas son petit confort personnel et s’accommode fort bien du standing du 2e arrondissement de Paris….dans un immeuble cossu à la façade en pierre de taille
Le 6 mars 2024, le Collège du Hcéres votait le compte financier de son activité 2023. y précisant les effectifs et la masse salariale.

Procèes verbal du Collège, 6 mars 2024, p. 6
Non seulement le Haut Conseil est en déficit. Mais, pour 2023, 117 équivalents temps plein se partagaient près de 15 millions d’euros, mais les personnels ont bénéficiés d’une prime de pouvoir d’achat exceptionnelle dite “Macron” (décret du 31 juillet 2023) ainsi que de taux de rémunération majoré (décret du 20 décembre 2022 et arrêté du 20 décembre 2022) “afin de valoriser la fonction d’expert et de valoriser son attractivité1 ou plutôt de garder au chaud quelques “amis” très chers. Si nous attendons la publication des comptes pour 2024, nul doute que la masse salariale, même amputée d’une partie du salaire délirant de son président démissionnaire est indigne, alors que les universités manquent cruellement de moyens et d’agent·es.
Qu’il s’agisse des formations, des unités de recherche ou des établissements, il est à présent grand temps de siffler la fin de la partie. Parce que l’enseignement supérieur et la recherche méritent mieux que ce repère d’apparatchiks en bout de course qui cherche à détruire nos communautés et nos métiers, nous appelons aujourd’hui tous les membres de la communauté universitaire – chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels administratifs et techniques, étudiants – à se dresser contre le HCERES.
Refusons ensemble l’évaluation bureaucratique si toxique à nos formations et à nos institutions. Boycottons cette machine infernale aux ordres du pouvoir politique, cessons de répondre à ses injonctions absurdes et mettons un terme à son emprise délétère. Appelons à un blocage total de la vague A en cours et de la vague B qui débutera à la prochaine rentrée.
Refusons collectivement de participer à cette mascarade et montrons que sans notre coopération, le HCERES n’est rien.
Ensemble, nous pouvons protéger l’université publique, défendre l’autonomie de la recherche et préserver la liberté académique. Il est temps de s’unir, de résister et de faire entendre notre voix :
Stop au HCERES !
Supprimons une bonne fois pour toute cet organisme parasite
de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Télécharger et diffuser partout (réseaux sociaux, panneaux d’affichage, machines à café, documents et tracts) nos visuels et notre playlist !
Sur Academia — parmi les 153 billets sur le Hcéres
- De la paperasse à la numérasse. Des outils de notre domination académique, par Florence Maraninchi, 23 février 2021
- L’église de la scientométrie, 2 avril 2021
- “Une machine bureaucratique qui fait trop d’évaluations” : le Hcéres selon la Cour des comptes, 12 juillet 2021
- La bureaucratie nuit gravement à la recherche. Tribune d’ADL, 10 janvier 2022
- L’évaluateur évalué (8): à propos d’une note d’observations du président du Hcéres au sujet de l’Université de Bordeaux, 24 janvier 2022
- French Research (death) Valley. Goguette, 10 juin 2023
- L’évaluation HCERES : la bureaucratie continue de nuire à la recherche. Communiqué ADL, 7 septembre 2023
- Évaluation des licences et masters par le Hcéres : « C’est une attaque politique contre l’université de masse », 17 février 2025
- Le HCERES tombe le masque !, 18 février 2025
- Hcéres : tempête dans la vague E, par Julien Gossa, 9 mars 2025
- Le HCERES coupable de fraude massive ? Appel à témoins, 10 mars 2025
- p. 7. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
L'équipe de rédaction d'Academia (18 mars 2025). HCÉRES : sifflons la fin de la partie ! Academia. Consulté le 23 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13hvu