Au lendemain des mobilisations des 23 et 25 novembre contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre qui ont rassemblé plus de 100 000 personnes partout en France et alors que le PLF 2025 est en cours de discussions au Sénat, une mobilisation collective des personnes concernées et de leurs allié·es est indispensable pour faire évoluer la situation. D’autant que nous faisons face à la montée de l’extrême droite et de ses idées hostiles aux droits des femmes, des personnes LGBTQIA + et des personnes racisées.

Les VSS et les LGBTQIA + phobies sont présentes partout dans l’ESR. Elles ne relèvent pas de faits isolés, mais traduisent un système patriarcal oppressif, ancré dans une culture du viol persistante. Selon le Baromètre national 2023 de l’Observatoire des VSS dans l’Enseignement supérieur, six étudiant·es sur dix déclarent avoir été victimes et/ou témoins d’au moins une violence sexiste, sexuelle ou LGBTQIA + phobies. Une femme scientifique sur deux a déjà été confrontée à une situation de harcèlement sexuel au travail (sondage Ipsos 2023 pour la fondation L’Oréal).

Marche contre les violences sexistes et sexuelles
Une énorme mobilisation. Entre 50.000 et 100.000 personnes à Paris pour ce 23 novembre 2019 Crédit: Jeanne Menjoulet.

Les conséquences de ces violences sont traumatisantes : 32 % des victimes de viol ont eu peur d’aller en cours ou de participer à la vie étudiante et ont eu des difficultés à s’impliquer dans leurs études. Par ailleurs, la santé de plus de la moitié des victimes de viol a été impactée (sommeil, stress post-traumatique, dépression…). Chez les personnels, les conséquences sur la santé sont similaires, ce qui engendre des stratégies d’évitement (absentéisme, arrêts de travail, départ du poste…) néfastes pour leur carrière déjà tellement mises à mal.

Des personnels des missions Égalité épuisés

Lorsque des cellules de signalement et de traitement des VSS existent dans les établissements¹, elles reposent principalement sur des écoutant‧es bénévoles et de très rares personnels récemment recruté.es au sein des missions Egalité, dont plus de un sur deux est en contrat précaire². Selon l’enquête Remede, ces écoutant‧es représentent environ 2,1 équivalent temps plein par établissement universitaire pour des dizaines de milliers d’étudiant‧es.

Les signalements des agent·es et des étudiant·es en détresse augmentent de façon exponentielle à mesure que les actions de prévention se multiplient. Le manque criant de personnels dédiés a des conséquences lourdes : les agent·es des missions Egalité sont épuisé·es et empêché·es de faire correctement leur travail.

Où sont passés les 14 millions ?

Alors que le ministère revendique un budget total de 14 millions d’euros pour le plan 2021-2025, l’analyse des dépenses réelles suggère plutôt un montant de sept millions. Cette gestion budgétaire questionne quant aux ressources réellement consacrées à la lutte contre les VSS, et jette un doute sur la sincérité des engagements affichés, alors même que le budget annoncé ne représentait déjà que 0,014 % du budget annuel du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

En outre, l’utilisation des fonds manque de clarté. Bien que le plan initial prévoyait de soutenir les établissements directement, une part significative du budget a été déployée sous forme d’appels à projets uniquement à destination des associations, puis de manière éparse et opaque dans une poignée d’établissements, et enfin utilisée pour financer des postes dans les rectorats académiques, dont les missions dépassent souvent la seule lutte contre les VSS. Cette réaffectation compromet la mise en place de dispositifs de prévention et de soutien dans les établissements eux-mêmes, pourtant en première ligne pour accueillir et accompagner les victimes.

Face à ce constat, nous exigeons un bilan détaillé et transparent du plan 2021-2025 afin de mettre en lumière les actions effectivement financées et mises en œuvre.

Nous demandons un nouveau plan ambitieux et pérenne, élaboré en concertation avec les associations de lutte contre les VSS, les syndicats étudiants et les personnels des missions Egalité. Ce plan doit inclure des moyens humains et financiers suffisants pour que chaque établissement puisse mettre en place des actions efficaces, appuyées par des outils et stratégies de suivi rigoureux. La pérennisation des postes des personnels en charge de ces politiques, avec des contrats stables, la création d’équipes permanentes disposant de soutien psychologique et l’obligation d’une vice-présidence Egalité réellement déchargée dans chaque établissement sont essentielles pour marquer l’engagement politique dans la lutte contre les VSS, le racisme, la haine anti-LGBTQIA + et toutes les formes de discrimination.

Le plan doit également prévoir des formations obligatoires et régulières pour tous·tes les étudiant·es, enseignant·es et personnels, afin de bâtir une culture de prévention et du consentement. Chaque établissement doit disposer de dispositifs d’accompagnement et de protection des victimes, comprenant des cellules de veille et d’écoute adaptées et fonctionnelles et dont les bilans sont présentés aux représentant·es des usager·es et des personnels.

Les demandes de reconnaissance en accident de service ou de travail ainsi que d’attribution de la protection fonctionnelle aux agent·es victimes qui signalent doivent aboutir.

Enfin, une réforme de la procédure disciplinaire est indispensable pour garantir une prise en charge des violences plus juste et protectrice, en renforçant les droits des victimes et en assurant des sanctions dissuasives. L’inaction n’est plus une option. La sécurité et la dignité des étudiant·es et des personnels exigent un engagement fort et immédiat de l’Etat pour faire reculer définitivement les violences sexistes et sexuelles et les discriminations dans l’enseignement supérieur.

Signataires :

Observatoire des violences sexistes et sexuelles dans l’Enseignement supérieur, Collectif des personnels non enseignants des missions Egalité de l’ESR, Anef, Clasches, Consentis, Fage, Ferc Sup CGT de l’ENS Lyon, Fédération nationale des CIDFF, Nous Toutes, Unef, Unef RS, Union étudiante, Sexe et Consentement, Solidaires Etudiant·es, Sud Recherche.