Après les collages le 15 avril 2022 dénonçant un violeur dans les rangs de la Faculté de médecine, plusieurs articles de presse ont fait part des questionnements touchant à la protection dont aurait bénéficié un étudiant, au sortir dedeux mois de détention préventive, de poursuivre ses études de médecine à Limoges, dans un service de… gynécologie.

• Violences sexuelles à la fac de Tours: une enquête administrative regrette l’absence de procédure disciplinaire, Maxime Pionneau,Libération,  18 mai 2022.

Extraits.

Visé par cinq plaintes pour viol et agressions sexuelles, l’étudiant en médecine avait pu, après deux mois de détention préventive, intégrer un stage en gynécologie dans une autre université. Ce qui n’aurait pas dû se produire si une procédure disciplinaire avait été engagée, selon les conclusions d’une première mission d’enquête administrative au sein de l’université de Tours. C’est une affaire dans l’affaire. La première remonte au mois de septembre 2020. Cinq plaintes, une pour viol et les autres pour agressions sexuelles, sont déposées contre un étudiant de la fac de médecine de Tours (Indre-et-Loire) pour des faits survenus entre 2013 et 2020. Quatre des plaignantes suivent également ce cursus. «Toutes les victimes ont déposé plainte au même moment, elles pensaient être seules», relate maître Marc Morin, avocat de quatre plaignantes. Après deux mois passés en détention provisoire, en septembre et novembre 2020, Pierre (1) est libéré et placé sous contrôle judiciaire. Alors qu’une enquête est en cours, le jeune homme de 24 ans encourt jusqu’à vingt ans de prison. Pourtant, l’étudiant, alors inscrit en cinquième année, a rejoint l’université de Limoges, poursuivi son cursus et effectué un stage au service gynécologie d’un centre hospitalier de Nouvelle-Aquitaine. C’est la seconde affaire. Celle pour laquelle une mission d’enquête de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igesr) a été ouverte, début mai, et dont les premières conclusions viennent de tomber.

Faculté de médecine, Université de Tours. 15 avril 2022.

En clair : Pierre a-t-il bénéficié d’un traitement de faveur visant à le protéger ou bénéficie-t-il, simplement, de la présomption d’innocence ? (…) Directement mis en cause, le pneumologue et doyen de la faculté de médecine de Tours, Patrice Diot, a réagi dans un mail adressé, le 19 avril, à la communauté éducative et aux étudiants, que Libé a pu consulter :

«J’avais immédiatement et définitivement suspendu la présence de l’étudiant mis en cause à la faculté et sur les lieux de stage, et proposé aux étudiantes le soutien de la faculté», écrit-il.

Il conclut sa communication en s’indignant des «messages affichés sur les murs de la faculté et sur Twitter» et annonce porter plainte pour «diffamation» contre le collectif à l’origine des collages, ainsi que pour «intrusion et dégradation de ses locaux». Dans un autre mail envoyé le 10 mai, le doyen précise finalement qu’il ne pas portera pas plainte.

Mais quid d’un éventuel manquement dans le traitement de cette affaire ? «L’enquête ne portait pas sur les faits, on est restés sur le terrain administratif», situe Patrick Allal, chargé, avec Cristelle Gillard, de l’enquête pour l’Igesr, qui touche actuellement à sa fin. .(…)

Du côté des étudiants, la confiance semble être malgré tout rompue. Le problème se révèle plus profond. En mars 2021, l’Anemf avait publié une «enquête sur les violences sexistes et sexuelles», réalisée auprès de 4 500 étudiants, dans laquelle on lisait que «plus de 15 % des répondants ont déjà subi des agressions sexuelles dans leur vie universitaire» et que «dans plus de 9 cas sur 10, ce sont des étudiants qui en agressent d’autres». Rozenn Cillard, la porte-parole, explique : «On a un entre-soi qui est très fort, au-delà de la fac, le milieu médical et hospitalier est extrêmement clos et peut favoriser une certaine omerta.» Ce mercredi, un «forum d’échange» a été organisé par la faculté de médecine de Tours. Une première «séquence» était consacrée aux «violences sexuelles et sexistes». Le programme évoque un «état des lieux» et un «plan d’action». «Je trouve ça très arriviste, estime Corentin, étudiant en médecine. Il aura fallu une déstabilisation assez conséquente pour que ça avance et que, peut-être, on nous écoute.»