“T’as qu’à mettre un col roulé, si tu ne veux pas de soucis. Tu n’es là que pour un an, il est à la fac depuis trente ans, alors…”

À la suite de #Paye ton utérus, rassemblant les témoignages d’êtres humains dotées d’un utérus en prise avec le sexisme du corps médical, #Paye ta fac, à l’initiative d’une contractuelle attachée temporaire d’enseignement et de recherche de l’Université d’Avignon, rassemble les petites phrases entendues en cours par des étudiants et des étudiantes, comme les remarques faites entre collègues. À les lire, la formation des enseignants-chercheurs aux stéréotypes sexistes n’a pas commencé: que fait le Ministère?

Quelques perles:

• “Qui c’est ta directrice de labo? Ah oui, la petite moche, c’est ça?”  Un collègue assez âgé, professeur émérite, me demande qui a été élu-e à la tête de l’équipe de recherches à laquelle j’appartiens. Comme le nom ne lui dit rien (ce qui est déjà bizarre), je décris notre directrice avec enthousiasme (trente ans de carrière, publications prestigieuses, nombreuses responsabilités pédagogiques, sommité internationale…). Mais pour lui, c’est juste “la petite moche” : très motivant pour notre avenir de jeunes chercheuses.

• “Je vois qu’il n’y a que les filles qui prennent la parole. Il faut y aller les gars, la féminisation du monde est en marche, il faut y aller ! Il ne faut pas se laisser dominer !” Université – Hérault
• “S’il y a si peu d’écrivain-femme au canon, c’est avant tout qu’elles sont de moins bons écrivains, voilà tout !” Université – Paris –  entendu en amphi de littérature devant une audience à 90% composé de filles, pendant un cours de master sur le canon et les femmes, par un prof spécialiste du canon.
• “ De toute façon tu es une petite branleuse toi, je connais les filles comme toi” École Polytechnique – Un encadrant militaire m’expliquant que j’avais probablement triché lors du dernier test de course à pied car mon résultat était trop bon. Fin de la discussion: “ branleuse c’est affectueux, c’est comme ça que j’appelle ma femme, d’ailleurs elle aussi est arabe”.
• “C’est normal c’est une fille Monsieur” IUT – Alpes Maritimes – en train de porter un objet encombrant pour le ramener. Un étudiant en carrières sociales qui dit cette phrase a une étudiante, juste après que l’enseignant lance de manière ironique à l’étudiante “Hé beh (prénom étudiante) faites attention à ne pas le faire tomber” (sous entendu “vous n’avez pas de force”). Cet enseignant fait souvent des blagues sexistes et les étudiants s’y mettent de plus en plus.
• “C’est quoi vos sujets ?” “Le tourisme animalier.” “Et nous, le tourisme sexuel.” “[riant] Le tourisme sexuel ? C’est drôle ça ! Et puis, le tourisme animalier et le tourisme sexuel, c’est un peu pareil au final ! Sauf que dans un cas, c’est des animaux, et dans l’autre, c’est des filles.” Université – Isère – Un étudiant de Master 2
• “Certains professeurs trouvent que vous prenez les gens de haut, surtout quand vous mettez vos talons.”Institut – Maine et Loire – Un professeur. Je fais 1m80 à plat et je mets rarement des talons à cause de ma taille car ça me complexe de faire 1 tête de plus que les autres.
• “Beaucoup d’entre vous messieurs deviendrez de grands avocats, magistrats, universitaires… Vous concernant mesdames, vous êtes au bon endroit pour vous trouver un bon mari.” Université – Nord –  Un prof d’histoire du droit.
• “A la lecture de ce livre, on apprend que Karl Marx trompait sa femme, ce qui le rend bien plus sympathique !” Université – Paris – C’est bien connu, les femmes ne sont bonnes qu’à se faire tromper.
• “Le sexisme des femmes oui… Mais pensez à nous, les hommes, on peut jamais parler en réunion !” Université –  Ille et Vilaine –  Un maître de conférence, qui a réitéré ses propos à plusieurs reprises.
• “Non, mais c’est normal qu’on soit plus dur avec toi maintenant! Parce que tu comprends, après, tu vas avoir tes enfants, ton homme ira travailler pour ramener de l’argent, donc t’auras plus le temps de travailler pour toi!” Haute Ecole de Musique – Suisse – Un professeur d’instrument lors du débriefing d’un examen qui ne s’était pas bien passé.
• “Vous confondez les outils numériques, mais c’est courant pour une jeune femme… […] Si ça se passe bien avec vos élèves, c’est parce que vous êtes une jeune femme, vous êtes douce et gentille, les jeunes filles s’identifient à vous car elles ont encore le fantasme de la mère, et les garçons ont fait de vous un objet de fantasme, c’est normal ! C’est embêtant mais ça arrive à beaucoup de jeunes femmes. Puis vous êtes vraiment hypersensible, mais ne vous inquiétez pas, beaucoup de jeunes femmes se font aider et consultent, il n’y a rien de honteux !” Ecole – Région Parisienne – un formateur, pendant l’entretien qui suivait l’observation d’une séance avec une classe. Je ne sais pas ce que valait ma séance, en revanche j’ai bien compris que j’étais une jeune femme et que je devais “consulter.”
• “c’est normal (sous entendu que tu aies gagné), tu es une fille et tu portais une jupe”. Institut – Ille et Vilaine – J’étais doctorante. J’ai gagné le prix du meilleur poster de la journée des doctorants de l’Université. Mon directeur de thèse m’a félicité et a ajouté Il a dit qu’il rigolait mais dois-je le croire sachant qu’il a refait la blague à ses collègues alors que je ne me trouvais pas dans la pièce…?
  
• Ah mais il y a toujours quelques filles qui sont travailleuses…” Université  – Bouches du Rhône – vers 2000, mathématiques, 1ère année. Réponse (sur un ton très condescendant) de l’enseignant-chercheur chargé d’amphi d’un cours où j’étais chargée de TD: il affirmait qu’il n’y avait pas d’élèves brillants dans l’amphi et je venais de lui répondre que dans mon groupe il y avait une élève que je trouvais très brillante. Peu après la fille en question a eu la meilleure note de l’amphi à l’examen (17/20 alors que le 2ème avait 13,5…)

• “Je suis le seul chercheur à être venu à cette réunion”. Labo CNRS – Bouches-du-Rhône. Un directeur de laboratoire, à l’occasion d’une réunion de travail qui mettait en présence une instance de contrôle, des personnel IATOS, une chercheuse et une doctorante. CQFD: faire de la recherche, c’est être un homme; les femmes sont  des personnels administratif et technique.